✡️ Avis BD – Plus jamais je ne visiterai Auschwitz aux éditions Delcourt

Avec Ari Richter, la mémoire ne se transmet pas : elle s’infiltre, se déforme, se débat contre ses falsifications. Dans Plus jamais je ne visiterai Auschwitz, roman graphique d’une grande intensité, l’artiste new-yorkais livre un témoignage familial puissant doublé d’une radiographie du traumatisme collectif, entre doute, ironie et lucidité.

🕍 Quand la mémoire devient spectacle

Descendant de survivants de la Shoah, Ari Richter visite Auschwitz, sidéré. Devant lui, des perches à selfie, des casquettes de baseball et des panneaux vantant les circuits “éducatifs”. La douleur de ses aïeux a été transformée en attraction touristique. D’où ce cri du cœur : « Plus jamais je ne visiterai Auschwitz ».

Richter rejette la muséification du mal, cette anesthésie par excès de pédagogie où la mémoire devient produit.

🧬 Quatre générations, quatre visions

Le livre s’ouvre sur les visages de quatre générations : les grands-parents rescapés, les parents silencieux, l’enfant américain cherchant à comprendre, et le père inquiet pour ses filles.
Chaque époque se voit offrir un style graphique distinct, comme si chaque mémoire possédait son propre langage visuel. Collages, visages déformés, cadres éclatés : Richter illustre la fragmentation du souvenir avec une créativité rare.

💭 Une introspection intime et universelle

Entre mémoire familiale et expériences personnelles, l’auteur évoque son enfance en Floride, marquée par un antisémitisme feutré, puis le massacre de Pittsburgh en 2018, qui réveille les fantômes des pogroms. Le ton oscille entre journal intime, reportage et satire, avec un humour noir thérapeutique qui empêche la douleur de tout engloutir.

⚡ Un miroir du monde contemporain

Richter dresse un parallèle glaçant entre l’Amérique post-Trump et l’Allemagne des années 1930 : montée du populisme, peur de l’autre, falsification du passé. Les planches grouillent de tweets, d’écrans et de visages distordus, symboles d’une haine réinventée à l’ère numérique.

🕯️ Un cri nécessaire

Plus qu’un roman graphique sur la Shoah, Plus jamais je ne visiterai Auschwitz explore ce qu’elle fait à ceux qui viennent après. Ari Richter signe un ouvrage lucide, dérangeant et profondément humain, un cri contre la banalisation du mal et un appel à vivre avec la mémoire, non pas sous son poids.

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