En octobre dernier, juste avant l’arrivée de Halloween, les éditions Kana ont eu l’honneur d’annoncer la sortie d’une nouvelle œuvre de Kazuo Kamimura, l’un des mangakas majeurs du siècle dernier, pourtant encore trop méconnu des lecteurs francophones. Cet auteur, célèbre pour ses œuvres à caractère social telles que Le Plaine du Kantō, Une femme de Shōwa et Lorsque nous vivions ensemble, nous livre un diptyque inédit intitulé Treize nuits de vengeance.
Ce second volume, paru en format caractéristique avec des couleurs audacieuses, s’inscrit dans une collection sombre entamée en 2007 avec Lady Snowblood, à laquelle on pourrait ajouter l’anthologie Ranpo Gekiga de chez Le Lézard Noir.
Cette œuvre explore les thèmes de l’horreur, de la revanche froide et de la sensualité brûlante, présentant une continuité remarquable par rapport à son prédécesseur.
Avis manga – Treize nuits de vengeance (tome 2)
Le deuxième volet de Treize nuits de vengeance s’ouvre sur le récit le plus étendu, intitulé « Le Carrefour aux serpents« .
Ce récit poétique et sadique en six chapitres plonge au cœur de l’intimité entre un frère et sa sœur cadette. Le frère, physiquement fragile, dépend entièrement des soins de sa sœur, qui a sacrifié sa vie de femme pour s’occuper de lui. Leur quotidien bascule avec l’arrivée d’un prétendu disciple du grand peintre Hokusai, nommé Yonejiro, dans la maison voisine. L’amitié qui se noue entre Yonejiro et le frère redonne vie à ce dernier, au point de le voir reprendre ses habitudes. Cependant, cette transformation n’est pas du goût de la sœur, attachée à son frère au point de ne pas supporter qu’il s’intéresse à quelqu’un d’autre.
Suivent trois courtes histoires sur le thème du printemps, chacune explorant des aspects étonnants et parfois dérangeants. Ces récits abordent des sujets variés tels que le cannibalisme d’une prêtresse, le sang maudit d’une fillette descendante d’une lignée de bourreaux, et même les objets érotiques de l’époque d’Edo. Le mangaka déploie toute sa créativité avec des histoires de crapauds lépreux, de double « suicide » amoureux, de lucioles revigorantes et d’une femme adepte de bondage. Un point notable est la nouvelle « Fidélité« , en trois chapitres, racontant l’histoire d’une lutteuse de sumo prête à tout pour venger la mort de son bien-aimé, un masseur aveugle.
Le style élégant et subtil de Kazuo Kamimura convient parfaitement à ces récits de vengeance explorant des thèmes variés tels que la maladie, le plaisir féminin solitaire, les yōkai et le tabou de l’homosexualité. Comme à son habitude, l’auteur présente une héroïne d’une beauté envoûtante, accompagnée d’une galerie de personnages remarquables, tels qu’une servante vieillissante, une lutteuse au physique imposant et un homme barbu tatoué d’un serpent vivant. Cette diversité renforce la richesse narrative du recueil.
Comparé au précédent tome, ce deuxième volet de Treize nuits de vengeance se concentre davantage sur l’essentiel. Pas de préface ni de postface, mais dix chapitres livrés sans préavis.
Bien que l’absence de bonus soit notable, cela permet une immersion immédiate dans la suite de l’histoire. La qualité de la traduction de Jacques Lalloz, retranscrivant avec brio les différents niveaux de langage, est à souligner. Malgré une qualité de papier moyenne, provoquant parfois des surimpressions indésirables sur ces presque 600 pages, le prix reste inchangé par rapport au précédent tome. Une offre séduisante de la part de Kana, avec des illustrations inédites en préambule, quelques pages couleur et une exploration approfondie de la diversité thématique par Kamimura.
Le manga Treize Nuits de Vengeance, est disponible dès maintenant dans toutes les bonnes librairies au prix de 18.50€